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Elle me demande de l'emmener à la banque et au Leader Price, et puis de faire si possible, tout un tas de petites tâches comme pour me retenir encore un peu.
Elle dit qu'elle est sortie avec Eliane, qu'elle a acheté une robe chez Pimckie, une robe fuchsia, et des espadrilles aussi, Sa voix est légère, presque enjouée. Elle dit aussi qu'elle ira en taille de pierres, même si c'est dur et qu'elle a du mal avec les outils, la psychomotricité tu sais Papa.
Je lui dis que ce n'est que le bruit du vent, et le fruit de son imagination, que personne d'autre qu'elle n'entend ces bruits, ces coups, ces gens qui se moquent. Personne ne t'enlévera, ne te droguera, ne te fera du mal. Je lui rappelle qu'il y a là un soignant, dans le couloir, à quelques mètres de sa chambre et qu'elle est en sécurité. Elle dit oui, mais demain encore, elle me racontera dans les sanglots, les coups dans les murs et tous les bruits de la nuit.
De colère, j'attrape comme ça une poignée de chiffres que je projette violemment contre le mur.
Elle appelle dans l'après-midi, ça va pas papa, les voix sans arrêt, l'impression d'avoir quelqu'un dans mon corps, quelqu'un qui a pris ma place.
Elle dit qu'elle chante ou bien qu'elle met la musique pour ne plus entendre les bruits, les coups dans les volets, le soir, la nuit, le matin.
Carottes, courgettes, oignons, les filets de poissons et les tomates séchées, ça sent bon dans toute la maison.
Quand j'ouvre la porte, des milliers de chiffres se précipitent dans le bureau, drapeaux rouges et chants révolutionnaires.
Elle dit qu'elle dort mal qu'il y a des coups dans les volets la nuit qu'elle en parlera demain au médecin.
